Recycler pour relocaliser la production en Europe

Aucun secteur n’est épargné par les « crises polycentriques S-P-E-E-D » (Sociale-Pandémique-Environnementale-Economique-Démocratique). Et la prédation chinoise sur les ressources naturelles impacte les importations Européennes (plus de 600 médicaments en rupture avant la COVID19, les semi-conducteurs, etc..). Au total, 137 produits et matériaux stratégiques[1] mettent en danger la souveraineté économique de l’UE. De plus le dérèglement des chaines logistiques (20% du fret bloqué dans les ports, décuplement du prix du transport maritime, etc.) affaiblit les entreprises fonctionnant en flux tendus.  

La main « invisible et libre occidentale » dépend d’un bras oriental de plus en plus visible et rigide. Les principes thermodynamiques sont immuables, et la vitesse d’extraction des ressources naturelles est telle que même s’il existe encore des stocks souterrains accessibles pour 10 générations, le temps du « recyclage naturel » des ressources dispersées, lui, se calcule en millénaires. Comment réduire notre dépendance aux processus d’extraction, de raffinage, de production Chinois ? En circularisant les déchets-ressources à partir des mines urbaines, nous augmentons notre résilience, recréons des activités économiques et 700 000 emplois (infra-qualifiés)  – peu délocalisables -dans l’UE d’ici à 2030 2. 

L’industrie du recyclage est l’allié stratégique pour augmenter l’efficacité ressourcielle en termes de quantité et de qualité des volumes recyclés pour l’ensemble des secteurs économiques. 

Trois mesures réduiraient les pertes et dispersions représentées sur le schéma ci-dessous 

La première mesure consiste à partager et affiner l’analyse des 67 millions de tonnes de déchets-ressources produits annuellement en Belgique, afin d’offrir aux industriels une meilleure visibilité en termes de régularité, de qualité et de quantité des intrants circulaires potentiels. Quant aux émetteurs de ces ressources, des analyses détaillées leur permettraient de réorienter leurs approvisionnements en privilégiant des intrants monomatières et recyclés, et en éliminant les ressources non-valorisables. Au niveau technologique (AI, Robotique), Reverse Metallurgy doit être dupliqué dans d’autres filières. Plus l’industrie du recyclage coopérera, et partagera ces analyses fines, avec les entreprises actives dans les autres niveaux de l’échelle de Lansink, et plus les volumes en aval augmenteront. 

La seconde mesure cherche à repenser les business models à partir des ressources : Ecoconcevoir les produits pour faciliter l’identification, la séparation des composants et améliorer leur longévité, démontabilité, réparabilité, réutilisabilité et recyclabilité. Les produits contenant des matériaux stratégiques devraient être consignés. Le système REP démontre ses limites pour transformer réellement les pratiques industrielles. C’est une opportunité pour favoriser les modèles d’affaire basés sur la fonctionnalité, diversifier les services et revenus, tout en augmentant les volumes recyclables en fin de vie.

La troisième mesure, quant à elle, vise à « assainir » l’échelle de LANSINK : le recyclage doit être l’ultime étape acceptée dans l’UE d’ici 2040. Les exportations (hors UE), l’incinération et l’enfouissements des déchets doivent être bannis. L’UE doit relever ses normes (en imposant la réparabilité et la recyclabilité) en raison des enjeux sanitaires (les fuites de méthane des centres d’enfouissement représentent 3,4%3 des émissions de CO2).

Nous avons tous les ingrédients (compétences, connaissances, capitaux, industries) pour augmenter la circularité des matières critiques.

_{[1] Stratégie industrielle pour l’Europe | Commission européenne (europa.eu)
[2] Communication de la Commission de 2020 intitulée «Résilience des matières premières critiques: la voie à suivre pour un renforcement de la sécurité et de la durabilité»
[3] 2% pour 2°C ! – Institut Rousseau (institut-rousseau.fr)}