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‘Circular Wallonia’ : L’avis d’un expert

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Het woord aan Olivier Van Volden, Expert Packaging and Circular Economy bij essenscia PolyMatters

« Avant toute chose, j’aimerais préciser le contexte qui a permis de rédiger le plan Circular Wallonia. Suite à l’intention politique, il y a eu le rapport introductif sur l’économie circulaire en Wallonie, adopté par le parlement. Ce rapport a servi de base à la définition d’une stratégie de déploiement de l’économie circulaire. Dans une seconde phase, des travaux préliminaires ont donné naissance au plan Circular Wallonia, adopté par le gouvernement en février 2021, dont l’ambition est de mettre en action la stratégie de déploiement de l’économie circulaire, nourrie également par les travaux de Get’Up Wallonia.

Le contexte étant posé, il convient de préciser que, dans notre secteur, la chimie et les plastiques, des entreprises sont déjà actives dans la circularité. L’économie circulaire est une tendance de fond. Il existe déjà des entreprises qui utilisent des matériaux 100% recyclés dans leur processus de fabrication mais sans en faire la publicité. Le gros enjeu semble être de parvenir à mettre tous les acteurs en réseau. Mais c’est une question complexe. Et ce qui est complexe prend du temps. Il faut que tout le monde se comprenne. On pense que les entreprises ne se parlent pas. Or, dans le contexte systémique industriel, les entreprises dialoguent. Dans le secteur des plastiques, c’est, a priori, un peu plus compliqué. Il y a une telle diversité des matériaux plastiques et de leurs usages que la question n’est pas de savoir qui parle avec qui mais sur quoi on doit se concentrer. Au sein de Circular Wallonia, concrètement, un groupe de travail, constitué de Denuo, du CerTech, de Greenwin en tant que coordinateur, du cluster Plastiwin pour le maillage de la plasturgie en Région wallonne, du département du sol et des déchets du SPW Déchets et d’essenscia PolyMatters, s’est mis autour de la table pour relever le défi de la mise en œuvre du plan.

Mais revenons au plan. Et prenons la mesure 52 : Connaître et faire connaître les écosystèmes et les zones de chalandise de l’amont à l’aval de la chaîne de valeur. 

Dans l’analyse de l’écosystème, l’orientation qui a été prise a consisté à ne pas faire ce que tout le monde fait, p.e. l’emballage, mais plutôt de s’interroger sur ce qu’il convient de faire dans un secteur de la société, la santé et la construction. Ceci implique de s’adjoindre des acteurs plus spécifiques à ces secteurs, de collecter des infos, des données. Au-delà de connaître les écosystèmes, le frein fondamental de l’économie circulaire reste la rentabilité. On n’y échappe pas. Recycler tel objet est possible mais pour cela il faut créer une entreprise, ou construire une unité de production, traiter une quantité rentable et pas 50 kg par an. Ce sont les conditions de réalisation socio-économiques qui vont déterminer si quelque chose va se mettre en œuvre. Oui, mais… les déchets plastiques existent en grandes quantités en Belgique, me direz-vous. Certes. Mais pour le traitement industriel, on ne parle pas en volume mais en tonnes. Cela change tout. Le plastique a l’avantage d’être léger, de revêtir beaucoup de formes. En fait, un gros tas de plastiques est relativement léger. Il existe beaucoup d’applications plastiques différentes qui répondent à des exigences techniques et sociétales différentes. Donc, on a des quantités mais il faut identifier là où la circularité est opportune. 

Une cartographie des flux de déchets et des produits est donc essentielle. Elle mettra en évidence que les entreprises wallonnes sont actives à l’export, et plus ou moins fortement actives. Autrement dit les déchets qui sont issus de l’usage de leurs produits se trouvent dans un autre pays et inversement ce qui est un déchet ici peut provenir d’une production ailleurs. Cela a un impact économique non négligeable. C’est pour cela qu’il faut savoir ce qu’on a, ce qui sort du territoire et où cela va. 

Une autre difficulté de taille qui complique la donne, et c’est même un paradoxe: l’Europe prône la libre circulation des biens, or il est extrêmement difficile de traverser les frontières avec un déchet. Y compris une frontière régionale. C’est un frein essentiel. Il convient d’appréhender la pertinence de cette problématique au sein de l’Europe. 

D’autre part, les produits plastiques peuvent répondre à des besoins là où d’autres matériaux ne sont pas ou plus adaptés. Par exemple, les tuyaux de chauffage en cuivre sont remplacés par des polymères, moins chers. Le cuivre est libéré pour d’autres applications. Les plastiques sont omniprésents dans la construction. Est-ce que cela a du sens de retirer les plastiques dans la construction d’un point de vue économique et sociétal ? C’est une question qui est abordée dans le plan Circular Wallonia. Il faut distinguer ce qui coince, ce qui va et ce qui ne va pas. 

En termes d’implication, d’innovation et de sensibilisation, les PME et les TPE n’ont pas les mêmes préoccupations que les grandes entreprises car elles doivent avant tout faire tourner leur business. Un autre point noir auquel Circular Wallonia peut répondre est celui de la désinformation. Il s’agit de diffuser l’information la plus correcte possible, de permettre au grand public d’en apprendre plus. Eviter la simplification, baser la réflexion sur des fondements scientifiques. 

En guise de conclusion et de sujet de réflexion, je dirais que Circular Wallonia est paradoxalement un lieu de rencontre pour fonder des préoccupations sociales et sociétales wallonnes mais aussi une clé de voûte pour le développement durable. Ce qui démontre toute la difficulté de l’enjeu. »

 

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La parole à Emmanuel Mossay, expert en économie circulaire et directeur recherche & innovation du bureau EcoRes, et professeur invité dans plusieurs universités

« J’estime que le plan Wallonie Circulaire est le premier plan concret, réaliste et pragmatique. Il traduit relativement bien tout le travail qui a été fait au niveau du parlement. ll reflète des ambitions très réalistes, dans le prolongement du rapport introductif sur l’économie circulaire en Wallonie, rapport auquel j’ai contribué comme co-auteur avec les parlementaires, un rapport adopté à l’unanimité. Je considère qu’aller plus loin aujourd’hui serait inutile, il faut d’abord avoir des bases plus solides, mettre en place une communauté d’acteurs, faciliter les liens entre eux. La Région wallonne rejoint la région bruxelloise et la région flamande avec ce plan. 

Photo prise lors de l’adoption du rapport parlementaire.

En fait, l’enjeu principal d’une économie circulaire est un enjeu qui est peu matériel, il est immatériel. Il s’agit d’ouvrir l’esprit des personnes, de les mettre en relation, et de partager les données sur les flux, Dans ce sens, il faut aller encore beaucoup plus loin.

Il y a un travail de sensibilisation, évidemment. Il existe même des entreprises wallonnes qui font de l’économie circulaire sans le savoir. I- Care, par exemple, entreprise de l’année en 2020, elle, est spécialisée dans la maintenance prédictive des équipements industriels. Ils prolongent donc leur longévité. D’autres pourraient gagner de l’argent en basculant dans l’économie circulaire. Par exemple, le secteur de la construction, où l’on voit que les prix des matériaux augmentent (bois, acier…), que les matières premières se raréfient. J’entrevois un basculement circulaire vers une situation où la réutilisation locale des matériaux sera plus avantageuse que le fait d’attendre d’être livré par la chaîne d’approvisionnement venant de l’étranger et d’en être dépendant (prix en hausse, délais, etc.). 

Cela demande aussi d’adapter ses méthodes et de s’ouvrir à de nouveaux secteurs. Prenons l’exemple de l’isolation thermique. Soit on utilise des isolants, des techniques qui demandent des colles, donc des polluants, soit on réutilise des panneaux existants, provenant de la déconstruction de bâtiments, des matériaux existants à des fins autres que l’usage originel, on peut aussi les combiner à d’autres matériaux et utiliser les ressources disponibles dans son propre secteur ou dans d’autres domaines. Il faut s’ouvrir aux relations entre les secteurs et au sein des secteurs. C’est pour moi le défi majeur de Circular Wallonia, il s’agit de créer des passerelles, des liens entre les acteurs.

Emmanuel Mossay, expert en économie circulaire et directeur recherche & innovation du bureau EcoRes.

Plus concrètement, un des enjeux de l’économie circulaire consiste à trouver des intrants (matières premières secondaires, circulaires) en quantité suffisante, avec un flux relativement continu, de qualité suffisamment acceptable, et stables pour ce dont vous avez besoin pour produire ou transformer. Parce que s’il y a trop de ruptures d’approvisionnement, il est plus difficile de mettre en place une filière.

Le défi est de bien cartographier tous les flux. Si on le fait de façon centralisée, c’est une tâche titanesque mais si on le fait de façon décentralisée, selon une approche peer to peer, on peut composer une plateforme de partage de données à compléter et inviter les secteurs à s’y connecter. Oui mais quel est l’intérêt pour un secteur de le faire ? Aujourd’hui dans la plupart des secteurs et des fédérations, les flux entrants et sortants ne sont pas connus. Donc le fait de mettre en place un logiciel, une plateforme bien pensée permettant aux acteurs de rentrer leurs données, avec garantie d’anonymat par rapport à leurs données, permet de voir quels sont les déchets ressources et quels sont les besoins. Cette anonymisation est capitale. Il faut un système de double clé : supposons qu’une entreprise A dispose de ressources valorisables qui intéressent une entreprise B. L’entreprise B envoie un message et se fait connaître de l’entreprise A (premier tour de clé), puis l’entreprise A communique sa réponse à l’entreprise B (second tour de clé). Les deux portes sont ouvertes, elles peuvent maintenant s’entendre, et créer plus de valeurs et/ou réduire leurs coûts, et dans tous les cas augmenter leurs contributions environnementales.

Evidemment, l’e-commerce s’est bien développé, c’est certain. l’e-commerce est une bonne chose s’il propose des produits locaux. Malheureusement je pense que beaucoup des produits vendus ne viennent pas d’ici. Cela ne favorise pas l’économie et l’emploi locaux. De plus, les emballages ont augmenté et posent problème. Mais de nouvelles solutions existent, comme des emballages réutilisables, recyclables. 

La pandémie a aussi eu un impact sur les consciences. Dans un pays qui fut pionnier en textile, il est désolant d’observer qu’on n’est plus capable de fabriquer des produits tels que des masques. Et que dire des semi-conducteurs ? Nous sommes ultra dépendants de la Chine et de l’Asie en général, l’Europe a délocalisé la production il y a des dizaines d’années. Ceci pose problème lorsque des conteneurs de semi-conducteurs p.e. sont bloqués outre-mer. Cela engendre des délais, de l’attente, une hausse des prix, des arrêts de production. Cette tendance récente souligne notre dépendance en matières premières, matières transformées, produits finis, technologies. C’est aussi une fabuleuse opportunité pour repenser notre industrie, définir de nouveaux standards, de nouvelles normes, fabriquer des produits à partir d’intrants recyclés, développer la réutilisation, privilégier la production locale. Nous avons les connaissances, le personnel, il faut mettre en place une dynamique. Et c’est toute l’ambition principale de Circular Wallonia. »