Stimuler le recyclage des pneus est essentiel pour le Green Deal européen

Si vous suspendez côte à côte les plus de 300 millions de pneus usagés qui sont collectés chaque année en Europe, vous pourriez faire le tour du monde. Les recycleurs de pneus sont donc confrontés à un sérieux défi pour convertir ce flux de déchets en matières premières durables et précieuses, et pour ouvrir la voie à une économie entièrement circulaire. L’objectif doit être d’éviter la libération de microplastiques tout en mettant en place une chaîne de valeur circulaire qui fonctionne bien. Un article d’opinion d’Alejandro Navazas, responsable scientifique chez EuRIC.

Malgré tous les efforts déployés par les recycleurs de pneus ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire pour que l’Union européenne accélère considérablement le recyclage des pneus. En effet, le recyclage des pneus en produits finis de haute qualité est limité par des obstacles technologiques, mais aussi par des réglementations et des goulots d’étranglement sur le marché final. Des efforts doivent donc être faits tout au long de la chaîne de valeur pour élargir la circularité des pneus usagés. Cela nécessite des changements dans la façon dont les pneus sont conçus et fabriqués afin que davantage de matériaux puissent être récupérés. Mais il est également nécessaire d’accroître la sensibilisation en aval et de créer des systèmes et des infrastructures pour maintenir les matériaux en circulation.

Chaque année, environ 300 millions de pneus sont en fin de vie en Europe. Mais ceci est loin de mettre un terme à leur utilité. Nous pouvons refondre le fil d’acier qui est tissé dans les pneus et obtenir un acier neuf, tandis que le caoutchouc se voit offrir une seconde vie dans les aires de jeux et les arènes sportives, dans les produits moulés, les applications de construction, les travaux routiers, les peintures… Le marché le plus important aujourd’hui, représentant 37 % de la demande de caoutchouc provenant de pneus usagés, est le caoutchouc granulé qui sert de remplissage dans les sols synthétiques. Des études de cycle de vie ont montré que la granulation des pneus usagés en de nouvelles matières premières de haute qualité est aujourd’hui la solution la plus durable. Mais en Europe, seuls 12% des matières premières utilisées aujourd’hui proviennent de produits recyclés et de matériaux récupérés. Cependant, les avantages sont considérables. Chaque tonne de pneus usagés recyclée au lieu d’être incinérée permet d’économiser 700 kg d’émissions de CO2 pour l’environnement.

La durabilité fait partie de l’ADN de chaque recycleur, grand ou petit, entreprise familiale ou multinationale. L’ensemble de l’industrie du recyclage soutient donc l’objectif européen qui vise à empêcher le rejet de microplastiques dans l’environnement. L’une de ces sources de microplastiques sont les matériaux de remplissage dans les terrains artificiels. Les recycleurs de pneus ont déjà pris des mesures concrètes pour résoudre ce problème avant qu’il ne soit examiné par l’Europe. L’ECHA propose donc deux options. Soit une interdiction d’utiliser du remplissage, soit une dérogation combinée à des mesures limitant les risques, telles que l’installation d’une clôture autour d’un tel terrain, afin que les granulés de caoutchouc ne puissent pas se répandre davantage. Cette seconde option est la seule qui ne jette pas le bébé avec l’eau du bain et préserve ainsi les bénéfices environnementaux du recyclage des pneus, tout en évitant les impacts négatifs.

Alors que nous nous engageons davantage dans la lutte contre le réchauffement climatique et ses effets, une approche intégrée qui aligne différentes actions politiques permettra l’utilisation du recyclage des pneus à plus grande échelle. Cela créera des opportunités pour accroître les avantages environnementaux. Une interdiction complète signifierait probablement que 500 000 pneus usagés par an seraient incinérés ou mis en décharge illégalement, une catastrophe environnementale et l’option la moins circulaire. Sans parler des conséquences socio-économiques, tant pour les recycleurs de pneus que pour les communautés qui aiment pratiquer leur sport sur des terrains fabriqués à partir de matériaux recyclés. Aujourd’hui, il n’y a pas encore d’alternative à ces matériaux de remplissage avec les mêmes exigences de performance et de sécurité pour pouvoir s’adonner à la pratique intensive d’un sport pendant toute une année, même dans les conditions météorologiques les plus difficiles. La Norvège a déjà donné le bon exemple en introduisant des mesures qui réduisent les risques d’une possible pollution plastique sur les terrains synthétiques. Suivons cet exemple.